Saturday, April 5, 2025

Asleep or Dead - I

Bernhard Keil (Eberhart Keilhau)
Girl Sleeping
ca. 1655-60
oil on canvas
Detroit Institute of Arts

Aniello Falcone
Sleeping Figure
ca. 1630
drawing
Statens Museum for Kunst, Copenhagen

Jean-Jacques Henner
The Levite of Ephraim and his Dead Wife
ca. 1898
oil on canvas
Princeton University Art Museum

Cavaliere d'Arpino (Giuseppe Cesari)
Sleeping Sisera
ca. 1590
drawing
Musée des Beaux-Arts de Lyon

Félix Vallotton
Woman Sleeping at Waterside
1921
oil on canvas
Musée d'Art Moderne et Contemporain de Strasbourg

attributed to Vittore Carpaccio
Dead Christ
ca. 1500
drawing
Kupferstichkabinett, Staatliche Museen zu Berlin

Lovis Corinth
Sleeping Model
1910
oil on canvas
Landesmuseum Hannover

Cigoli (Lodovico Cardi)
Model posed as Dead Christ
ca. 1599
drawing
(study for Pietà)
Kupferstichkabinett, Staatliche Museen zu Berlin

Anonymous German Artist
The Entombment
ca. 1500-1505
tempera on panel
Art Institute of Chicago

James Edward Davis
Sleeping Model
1931
drawing
Princeton University Art Museum

Anselm Feuerbach
Sleeping Figure
ca. 1856-57
oil on cardboard
Alte Nationalgalerie, Staatliche Museen zu Berlin

attributed to Padovanino (Alessandro Varotari)
Sleeping Venus
ca. 1630
oil on canvas
Bildgalerie von Sanssouci, Potsdam

Jean-Baptiste-Marie Pierre
Sleeping Bacchante
1763
oil on canvas (grisaille)
Musée des Beaux-Arts de Rennes

Roman Empire
Sleeping Cupid
2nd century AD
marble
Galleria Borghese, Rome

Dirk de Quade van Ravesteyn
Sleeping Venus
ca. 1595
oil on panel
Musée des Beaux-Arts de Dijon

Dirk de Quade van Ravesteyn
Sleeping Venus
ca. 1608
oil on panel
Kunsthistorisches Museum, Vienna

On peut hasarder pour cette transposition, cette confusion, quelques hypothèses.

Michelet peut-être n'avait pas revu le grand tableau du Louvre depuis longtemps: ce tableau on le sait l'effrayait, il se souvenait trop du choc que lui en avait causé la première vision. Il l'évitait autant qu'il était en lui, le louait et le détestait, l'idolâtrait, de loin. D'ailleurs quand en 1852 il écrivit sa visite et sa vision de 1846 à Saint-Nicolas, il était à Nantes au bout de la Loire, pas au bord de la Seine qui porte Les Onze. Aussi dans la scène de la sacristie, vécue en 1846, écrite en 1852, le retrace-t-il de mémoire et le falsifie-t-il, de bonne foi peut-être ou avec cette perversité de prêtre ennemi des prêtres, qu'on lui connaît. Et dans cette falsification, cette reconstruction de mémoire, dans les célèbres douze pages donc, il applique au grand tableau ce qu'il a vu, imaginé et bricolé ce jour-là (dans la sacristie et à propos de la sacristie): il dit que dans Les Onze même on voit la grande table de chêne et la lanterne de corne sur la table; il dit surtout qu'on y voit  les chevaux, les chevaux dans leurs stalles de soufre, d'or, de basalte, leurs stalles à la nation, les chevaux de l'enfer et de l'adoration. À la décharge de Michelet on peut croire que, dans le bric-à-brac prodigieux et prodigieusement encombré qui lui tint lieu de mémoire, il a pour guides et repères d'autres peintures, l'Officier de chasseurs de Géricault, une bataille de Rubens, les illustrations que fit pour Macbeth Füssli, ou la jument emblématique du Cauchemar de ce même peintre – ou encore, peut-être, que Michelet à sa table d'écriture, venant d'inventer et d'énoncer sa propre fable d'un cheval riant dans la nuit derrière la cloison de la pièce où les trois sorciers commandent à l'enchanteur la peinture des Onze, Michelet n'est plus le maître de sa fiction, cette fable si just qui vient de sortir de son esprit l'enivre, l'emporte, et il l'enfourche sans ambages. Moi, je ne vois pas la lanterne carrée, là, devant nous, dans le tableau du Louvre: je crains bien qu'elle ne vienne tout droit de Madrid, du Tres de mayo, du 3 mai de Goya, où elle éclaire une scène d'équarrissoir, de massacre de masse, pas des Onze – quelque chose pourtant comme une lanterne éclaire bien Les Onze, mais quoi? Je ne vois pas non plus la sainte table, quoique sans doute il faille bien qu'il y ait quelque chose comme une table pour recevoir à mis-hauteur le chapeau de Prieur de la Marne qui ne tient pas tout seul, qui n flotte pas en l'air à la hauteur de sa ceinture par la seule vertu du Saint-Esprit. Et surtout je ne vois pas les chevaux. Et vous, Monsieur, les voyez-vous?

– Pierre Michon, from Les Onze (Verdier, 2009)